Le Forum BEI 2024 définit les priorités les plus urgentes de l’Europe en matière d’autonomie économique et de transition vers des énergies propres et renouvelables

Le chemin de l’Europe vers la compétitivité passe par des investissements revus à la hausse. Il est primordial qu’ils ciblent les énergies renouvelables et les technologies propres innovantes et bénéficient d’une volonté politique d’assurer une meilleure réglementation et une transition juste et inclusive.

Au cours des deux journées de la deuxième édition du Forum du Groupe BEI, des intervenants et des orateurs ont présenté des solutions possibles à une série de défis auxquels l’Europe est confrontée, des changements climatiques à la nécessité d’un approvisionnement sûr en ressources essentielles. Sur toute une série de questions, des spécialistes se sont fait l’écho de l’importance d’une position européenne coordonnée.

« Partenariat est l’un des mots que vous entendrez beaucoup au cours du Forum », a déclaré Nadia Calviño, présidente de la Banque européenne d’investissement. « Ce n’est qu’en unissant nos forces que nous pourrons relever les défis qui nous attendent, en Europe. »

Nadia Calviño a souligné qu’une action européenne conjointe pendant la pandémie de COVID-19 et l’invasion de l’Ukraine par la Russie avait atténué les répercussions économiques des crises. L’Europe a élaboré des réponses économiques comme le Fonds de garantie européen, travaillé à des achats communs, maintenu un front uni face à l’invasion de l’Ukraine et mis en place des initiatives climatiques majeures sous la forme du pacte vert et de REPowerEU.

« Grâce à la réponse coordonnée de l’Europe, les répercussions de la crise n’ont pas été aussi profondes que nous le redoutions. C’est une bonne nouvelle et une leçon pour l’avenir », a poursuivi Nadia Calviño.

La compétitivité en un mot

L’Union européenne doit maintenant se positionner pour faire face au grand défi que constituent les changements climatiques ainsi qu’à leurs effets géopolitiques et sociaux. Valdis Dombrovskis, vice-président exécutif de la Commission européenne et commissaire chargé du commerce, a souligné le rôle central de l’investissement dans le renforcement de la compétitivité et de la résilience de l’UE.

« Pour faire court, il faut entretenir le moteur de notre compétitivité », a-t-il déclaré. « Nous devons aussi veiller à ne pas nous laisser distancer par ceux qui font la course en tête. La question consiste donc à savoir comment maintenir notre avantage concurrentiel. »

La clé de l’augmentation de l’investissement privé réside dans l’achèvement de l’union des marchés des capitaux, une initiative dont l’application rapide a été préconisée par de nombreux spécialistes. « L’approfondissement des marchés des capitaux européens et la poursuite de leur intégration sont les mesures les plus rentables que nous puissions prendre pour acheminer les capitaux vers des investissements à long terme », a déclaré Valdis Dombrovskis.

Mairead McGuinness, commissaire européenne chargée de la stabilité financière, des services financiers et de l’union des marchés des capitaux, a appelé de ses vœux « plus de rapidité, moins de résistance, une volonté politique forte et un calendrier » pour achever et consolider l’union des marchés des capitaux.

Charles Michel, président du Conseil européen, s’est aussi emparé du thème de l’unité de l’Europe. « Notre marché unique est l’épine dorsale de notre prospérité », a-t-il déclaré. « Nous devons faciliter la croissance de nos entreprises.

Et la BEI a un rôle très important à jouer à cet égard », a-t-il ajouté.

Équilibrer le marché du gaz

Kadri Simson, commissaire européenne chargée de l’énergie, a fait observer que la transition vers les énergies propres est vitale pour rendre nos marchés et notre approvisionnement plus stables.

« Depuis que la Russie a lancé sa guerre injustifiée contre l’Ukraine et interrompu une bonne partie de ses livraisons de gaz naturel à l’Europe, nous avons été en mesure d’équilibrer le marché du gaz principalement en privilégiant une baisse de la consommation, mais aussi en remplaçant, dans la mesure du possible, le gaz naturel par des énergies renouvelables », a-t-elle déclaré.

Ces deux dernières années, a poursuivi Kadri Simson, l’Europe a construit une capacité record de 130 gigawatts de production d’électricité à partir de l’énergie solaire et éolienne. 

C’est important si l’Europe veut répondre à « l’instrumentalisation des échanges commerciaux » sans remplacer « une dépendance, comme celle au gaz russe, par d’autres, susceptibles de mettre l’industrie en danger », a déclaré Elga Bartsch, directrice générale chargée de la politique économique au ministère fédéral allemand de l’économie et de l’action pour le climat. « La question de l’énergie… s’inscrit dans un paysage plus large, marqué par la fragmentation géopolitique. »

Maroš Šefčovič, commissaire européen chargé du pacte vert, a plaidé en faveur d’une approche « moins dogmatique » de la transition écologique. « Nous devons être plus pragmatiques quant à nos sources d’énergie, la manière dont nous pouvons travailler avec des sources d’énergie vertes, mais aussi à faibles émissions de carbone, et l’hydrogène », a-t-il précisé.

Compétitivité et cohésion

Plusieurs intervenants ont souligné le lien entre la compétitivité globale de l’Europe, l’action pour le climat et d’autres piliers importants de la politique de l’UE, comme la cohésion, qui vise à réduire les disparités économiques entre les régions de l’Union.

« Nous ne pouvons pas avoir de compétitivité en Europe, sans cohésion », a déclaré Themis Christophidou, directrice générale chargée de la politique régionale et urbaine à la Commission européenne.

La « transition juste » vers les énergies propres est un élément important de cette cohésion. Elle vise à faire en sorte que les régions subissant des pertes d’emplois dans les industries polluantes ne soient pas laissées pour compte. L’action pour le climat et la transition juste sont inextricablement liées, a déclaré Wopke Hoekstra, commissaire européen chargé de l’action pour le climat. « L’une ne va pas sans l’autre », a-t-il dit.

Une fois que les pays actuellement candidats auront pleinement adhéré à l’Union européenne, il sera encore plus difficile – et plus vital – d’apporter des réponses coordonnées aux crises. Andrés Rodríguez-Pose, professeur de géographie économique à la London School of Economics, a déclaré : « l’Union européenne devra devenir plus simple et plus agile. Les crises auxquelles nous avons été confrontés jusqu’à présent ont montré que nous devons être plus flexibles. »

Une réglementation au service de la compétitivité

Un marché unique fort est essentiel pour les entreprises confrontées à cette transition écologique. Mathias Miedreich, directeur général du groupe belge spécialiste des technologies des matériaux et du recyclage Umicore, a déclaré que l’hétérogénéité des règles d’un État membre à l’autre constitue un obstacle majeur. Les règles interdisant l’exportation de batteries usagées entre les pays sapent les avantages du marché unique, a-t-il ajouté.

« Le recyclage des batteries est le seul moyen pour l’industrie de respecter la législation sur le CO2 pour un véhicule électrique », a poursuivi Mathias Miedreich, dont l’entreprise a signé, à l’occasion du Forum BEI, un prêt de 350 millions d’euros avec la Banque européenne d’investissement à l’appui de la R-D et de l’innovation.

Des normes différentes et de longs délais d’attente pour l’obtention des permis dans l’Union européenne constituent un obstacle à l’expansion des technologies de réduction du carbone dans le secteur du béton, a affirmé Nicola Kim, responsable de la durabilité chez Heidelberg Materials, l’un des plus grands producteurs de béton au monde. Cependant, le système européen d’échange de quotas d’émission (SEQE) et le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF) aident les entreprises à accélérer leurs efforts de décarbonation. Le SEQE « nous a vraiment aidés à mettre en place une planification à long terme en matière de décarbonation », a-t-elle déclaré. Le MACF « sera un deuxième facilitateur ».

« Les solutions existent maintenant »

Pour Bertrand Piccard, explorateur suisse et président de la fondation Solar Impulse, les enjeux mentionnés par d’autres participants – la compétitivité, l’énergie propre et la géopolitique – sont tous directement liés.

« Si nous voulons la compétitivité en Europe », a-t-il dit, « nous avons besoin d’énergie bon marché, et la façon d’en obtenir est de passer aux énergies renouvelables qui fonctionnent et ont fait leurs preuves : non seulement le solaire et l’éolien, mais aussi la biomasse pour remplacer le gaz russe, ou encore l’hydroélectricité et, bien sûr, la géothermie. »

« Nous devons parler des solutions », a conclu Bertrand Piccard, « parce que les solutions existent maintenant. »