La Société wallonne des eaux (SWDE) investit massivement pour moderniser son réseau et s’adapter aux changements climatiques

Il pleut en moyenne 190 jours par an en Belgique, mais ce n’est tout simplement pas suffisant pour couvrir les besoins en eau des familles, des fermes et des industries du pays. Même si la population peut parfois se plaindre de la météo pluvieuse, le pays fait face à un véritable stress hydrique : il prélève plus de 80 % de l’eau à sa disposition chaque année, un pourcentage qui lui vaut une place plus élevée que la Namibie dans le classement des pays en situation de stress hydrique, établi par l’Institut des ressources mondiales.

La Wallonie compte plus de 3,5 millions d’habitants et couvre une superficie de 16 844 kilomètres carrés. Affichant un revenu par habitant inférieur à la moyenne européenne, de nombreuses parties de la Wallonie sont considérées comme des entités relevant de l’objectif de « cohésion » et peuvent ainsi prétendre à des financements supplémentaires de la part de l'Union européenne. La Wallonie se caractérise par un paysage diversifié, qui comprend les Ardennes, un vaste plateau boisé, et le bassin de la Meuse, l’une des principales voies navigables d’Europe. Malgré ses ressources naturelles abondantes, cette région subit une énorme pression sur son approvisionnement en eau, exercée par les changements climatiques, la croissance démographique et le développement industriel. En 2022, la Wallonie a connu son été le plus sec depuis 20 ans : la distribution d’eau courante s’est interrompue dans plusieurs villes et villages qui ont dû organiser des livraisons d’eau par camions.

Les changements climatiques s’accompagneront sans conteste d’une survenance accrue de phénomènes météorologiques extrêmes dans la région. Les inondations de juillet 2021 ont tué 39 personnes, endommagé 48 000 bâtiments, 11 000 voitures, et coûté 2,8 milliards d’euros à la Wallonie. Selon un article paru récemment dans la revue scientifique Nature, la Belgique, aux côtés des Pays-Bas et de l’Allemagne, figure parmi les pays les plus exposés statistiquement à des vagues de chaleur sans précédent. Une autre étude, réalisée par l’Université de Liège, estime que la Wallonie pourrait connaître un déficit hydrique allant jusqu’à 30 % d’ici 2050, si aucune mesure n’est prise.

Un des défis tient à l’acheminement de l’eau depuis les zones où elle est abondante vers celles touchées par la sécheresse. « Il n’existe pas de réseaux nationaux de l’eau, en général », explique Marco Beroš, expert principal du secteur de l’eau à la Banque européenne d’investissement. « L’eau n’est pas gérée comme l’électricité ou le gaz. Bien évidemment, il est possible d’acheminer l’eau sur de longues distances, mais ce n’est pas bon pour la qualité de l’eau potable. En outre, il faut une énorme quantité d’énergie pour acheminer toute cette eau (1 000 litres pèsent une tonne !), à moins de construire des aqueducs utilisant la force de la gravité, comme le faisaient les Romains. En Belgique, la Wallonie alimente traditionnellement Bruxelles en eau au moyen de canalisations à longue distance au départ des Ardennes, mais le pays est un maillage de réseaux locaux et régionaux. »

La plus grande société de distribution d’eau de la région, la Société wallonne des eaux (SWDE), est bien consciente des défis. Elle fournit de l’eau potable à 2,5 millions d’habitants, principalement ruraux, grâce à un peu plus d’un million de raccordements dans 190 municipalités via un réseau de canalisations de 40 000 kilomètres. Pour donner un ordre de grandeur, le réseau de la SWDE est environ 30 fois plus long que celui de la ville de Paris, qui compte une population similaire.



Un plan d’investissement massif

Pour garantir un approvisionnement adéquat en eau, la SWDE amorce un plan d’investissement massif destiné à moderniser son réseau, à améliorer la connectivité des différents réseaux communaux et à s’adapter aux changements climatiques que connaît la Belgique. Ce plan appuiera des mesures qui permettront d’augmenter les capacités de stockage de l’eau, d’améliorer l’utilisation rationnelle de l’eau, d’accroître la qualité de l’eau et de renforcer la résilience face aux inondations. Ces mesures visent à parer aux conséquences des changements climatiques sur la disponibilité et la qualité de l’eau ainsi que sur les infrastructures hydriques.

« Nous produisons plus de 1,6 million de mètres cubes d’eau potable par an, mais nous consommons annuellement 100 GWh à cette fin », explique Bernard Pevee, expert en énergie à la SWDE. « Nous voulons réduire nos coûts énergétiques pour que l’eau reste abordable financièrement pour toutes et tous, tout en diminuant nos propres émissions de gaz à effet de serre de 20 % d’ici 2030.»

Pour atteindre cet objectif, la SWDE cherche à investir dans des installations solaires supplémentaires et à conclure des accords d’achat d’électricité avec des parcs éoliens. Elle s’efforce également d’améliorer considérablement son efficacité énergétique. « Nous auditons chaque station de pompage et disposons d’un plan d’action articulé autour de plusieurs axes pour réduire la consommation électrique et améliorer l’efficacité énergétique », ajoute Bernard Pevee. Dans l’ensemble, la SWDE poursuit quelque 150 lignes d’investissement visant une efficacité accrue, notamment par le biais de nouveaux équipements et de meilleurs procédés de captage ou de traitement de l’eau.

La réduction de sa consommation d’énergie et de ses émissions fait partie intégrante de la stratégie environnementale de la société de distribution d’eau. « La stratégie repose sur trois piliers », indique Xavier Giltay, directeur chargé de l’environnement à la SWDE. « Ces trois piliers sont la sensibilisation, la réduction de notre empreinte environnementale et l’adaptation aux changements climatiques. »

La protection de la biodiversité revêt également une très grande importance. « Nous voulons mettre en œuvre une politique de la biodiversité dans l’ensemble de nos sites », précise Xavier Giltay. « Nous gérons environ un millier de sites et collaborons avec le Département de la nature et des forêts (DNF) de la Région wallonne sur une série de projets visant à protéger la biodiversité et à analyser comment le DNF peut également nous aider à réduire notre empreinte carbone. »

Afin de financer ses plans ambitieux d’investissement et d’action pour le climat, la SWDE s’est tournée vers son partenaire de longue date, la Banque européenne d’investissement. En 2022, elle a ainsi obtenu un prêt de 250 millions d’euros de la BEI à l’appui de son programme d’investissement 2022-2026.

Il s’agit du quatrième prêt de la Banque en 16 ans. Depuis le prêt précédent de 200 millions d’euros accordé par la BEI en novembre 2016, la SWDE a investi en moyenne 120 millions d’euros par an sans augmenter ses prix auprès des consommateurs.

Le concours de la banque de l’UE soutiendra la société de distribution d’eau dans la réalisation d’un éventail de projets visant à améliorer la résilience des infrastructures hydriques en Wallonie, passant notamment par la construction de nouveaux réservoirs, la modernisation des stations d’épuration, des technologies avancées de détection des fuites et l’expansion des réseaux d’égouts.