L’égalité hommes-femmes et l’égalité des droits pour tous les êtres humains constituent un enjeu économique d’une importance capitale.

Par Nadia Calviño, Kristalina Georgieva et Odile Renaud-Basso 

LUXEMBOURG – Face aux plus grands défis de notre monde et aux priorités stratégiques qui en découlent, il est difficile de trouver un mot plus adéquat que « inclusion », qui est le thème de l’édition 2024 de la Journée internationale des droits des femmes. Une croissance économique écologique et inclusive qui profite à toute la société est un vecteur essentiel de prospérité durable, de cohésion sociale, de compétitivité et de stabilité géopolitique. Il est primordial de soutenir une « transition juste » qui englobe l’ensemble des membres de nos sociétés, pour faire en sorte que l’action pour le climat et la transformation numérique se traduisent par un monde plus durable et sûr.

L’égalité entre les sexes et l’égalité des droits ne procèdent pas seulement de l’équité ; elles constituent également un enjeu économique d’une importance capitale. Une étude du Fonds monétaire international (FMI) suggère que la réduction des inégalités entre les hommes et les femmes sur le marché du travail pourrait entraîner une augmentation du PIB de près de 8 % dans les économies émergentes et en développement. Si l’écart entre les hommes et les femmes était entièrement comblé, la croissance du PIB dans ces pays serait encore plus forte et atteindrait 23 % en moyenne.

En termes simples, la diversité et la participation des femmes sur un pied d’égalité dans l’économie, les processus décisionnels et les débats politiques produisent de meilleurs résultats. La mobilisation de tous les talents disponibles a pour effet de maximiser la productivité et la compétitivité, ce qui sera crucial pour lutter contre les changements climatiques et promouvoir la prospérité mondiale. Cet aspect revêt une importance particulière à l’heure où bon nombre des progrès que nous pensions acquis menacent de s’effriter sous les effets combinés de la crise climatique, de la pandémie de COVID-19 et de l’invasion de l’Ukraine par la Russie.

Alors que quatre milliards de personnes à travers le monde sont appelées aux urnes cette année, il est particulièrement opportun de souligner l’impact positif majeur de l’égalité entre les sexes sur nos sociétés. À titre d’exemple, une étude de la Banque centrale européenne suggère qu’une augmentation d’un point de pourcentage de la proportion de femmes occupant des fonctions d’encadrement dans une entreprise entraîne une baisse de 0,5 % des émissions de dioxyde de carbone. La Banque européenne d’investissement observe de la même manière que les entreprises dirigées par des femmes enregistrent des scores plus élevés en matière environnementale, sociale et de gouvernance (ESG). De même, les travaux du FMI montrent que ces entreprises sont également plus rentables et qu’une représentation plus équilibrée entre les sexes au sein des conseils d’administration des banques est associée à une plus grande stabilité financière et à de meilleures performances. Ces conclusions laissent à penser que les plus grands défis de notre époque ne sauraient être relevés sans l’inclusion – à tous les échelons des organisations, jusqu’aux fonctions de direction.

Il y a à cet égard des signes manifestes de progrès. Aujourd’hui, les femmes sont de plus en plus nombreuses à créer leur entreprise, bien que leur accès au financement soit plus limité. Les données de la Banque mondiale révèlent, dans 45 des 71 pays couverts, une proportion croissante de femmes « propriétaires uniques » de leur entreprise.



Comment pourrions-nous tirer parti de ces avancées ? Une étude de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement montre que les programmes de panachage de ressources permettent d’aider les entrepreneuses à accéder davantage au crédit et à développer leur activité.

Étant donné que 80 % des décisions d’achat de produits de consommation sont prises ou influencées par les femmes, les entreprises doivent prendre en compte le point de vue et l’expérience de ces dernières pour mieux vendre leurs produits. Les femmes sont généralement aussi plus respectueuses de l’environnement, ce qui explique en partie la demande croissante de la clientèle pour des services financiers écologiques. À l’échelle mondiale, une consommatrice sur trois se déclare prête à payer jusqu’à 25 % de plus pour des services financiers durables.

On en vient à une autre raison pour laquelle l’inclusion est bénéfique à l’activité économique : une étude fait ressortir une corrélation positive entre la participation d’un plus grand nombre de femmes au sein des conseils d’administration des entreprises et la publication d’informations sur les émissions de CO2. Les femmes détiennent aujourd’hui 40 % de la richesse mondiale et entendent investir dans un avenir durable. Environ 74 % d’entre elles manifestent un intérêt à augmenter la part des investissements répondant à des critères ESG dans leurs portefeuilles actuels, contre 53 % des hommes. Les entreprises qui ne donnent pas une place aux femmes mettent à mal leurs chances de faire mieux que leurs concurrents.

Au fil des siècles, les femmes ont mis en place des stratégies pour faire face aux situations d’inégalité. Cela fait de nous une ressource particulièrement précieuse pour les organisations qui veulent changer le monde. Compte tenu de notre expérience de l’exclusion et des inégalités, nous sommes plus à même de reconnaître la nécessité d’un changement et d’appréhender l’impact des opérations ou des décisions stratégiques d’une entreprise sur les autres. Selon le même raisonnement, les pays où les femmes sont mieux représentées au parlement sont plus enclins à ratifier les traités environnementaux et à adopter des politiques qui s’attaquent aux effets des changements climatiques.

Le talent des femmes est un élément moteur du progrès économique et une composante essentielle de la solution au dérèglement climatique. Des femmes sont déjà à la tête de certaines des institutions financières les plus influentes au monde et jouent un rôle croissant dans la sphère politique. Il appartient à toutes les femmes, dès lors, de jouer un rôle moteur dans la transition vers un modèle de croissance plus inclusif et durable. Nous avons là une occasion unique de faire progresser l’inclusion, d’inspirer d’autres engagements de même nature et de façonner un avenir meilleur.



Cet article a été initialement publié par Project Syndicate.

Nadia Calviño est la présidente de la Banque européenne d’investissement. Kristalina Georgieva est la directrice générale du Fonds monétaire international. Odile Renaud-Basso est la présidente de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement.