Il y a 15 ans, la Banque européenne d’investissement a émis la première obligation verte au monde. Aujourd’hui, le marché des obligations vertes, sociales et durables vaut plus de 2 200 milliards d’euros. Dans les faits, ces obligations ont toutefois une valeur beaucoup plus grande, car elles sont la clé d’une finance réellement durable.

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Quand Aldo Romani et son équipe ont commencé à intégrer la durabilité dans le programme de financement de la Banque européenne d’investissement (BEI), en 2007, ils ont décelé une opportunité. D’un côté, les investisseurs recherchaient de nouveaux moyens de s’assurer que leur argent servait une finalité réellement respectueuse de l’environnement. De l’autre, la Banque souhaitait créer un outil de financement doté de sens pour orienter les investissements vers des projets qui apportaient une contribution substantielle à l’environnement.

Aldo Romani a imaginé un nouveau type d’obligation qui conjuguait ces deux aspirations : l’obligation verte. « L’idée sous-jacente était simple », explique-t-il. « Vous affectez les fonds recueillis à des projets qui participent à la lutte contre les changements climatiques et, en même temps, vous permettez aux investisseurs de surveiller ce que vous faites. »

Depuis leur lancement en 2007, ces obligations – complétées entre-temps par des obligations sociales et durables – sont devenues de plus en plus populaires dans le monde, et leur marché dépasse à ce jour 2 200 milliards d’euros. La Banque européenne d’investissement est la banque multilatérale de développement qui émet le plus d’obligations vertes, sociales et durables (VSD), avec plus de 50 milliards d’euros d’obligations climatiquement responsables (OCR) et environ 9 milliards d’euros d’obligations pour le développement durable (OpDD).

En sa qualité de banque européenne du climat, la Banque européenne d’investissement a émis en mai des OCR de référence à dix ans pour un montant de 4 milliards d’euros, pour célébrer le quinzième anniversaire de ce type d’obligations.

À la recherche d’une finance réellement durable

Si nous augmentons notre soutien à des projets qui permettent réellement de lutter contre les changements climatiques, de protéger l’environnement et de préserver la viabilité sociale, nous devons élaborer un langage commun pour parler de la finance durable. C’est l’un des principaux obstacles à l’adoption d’une approche généralisée et c’est la raison pour laquelle l’avènement des obligations vertes a constitué un tel progrès.

Le marché des obligations vertes, sociales et durables étant florissant, il est désormais acquis qu’il est possible de mesurer systématiquement l’impact de l’économie sur la durabilité par une technique que le marché des capitaux peut comprendre et appliquer.

Lorsque la Banque européenne d’investissement a lancé sa toute première obligation climatiquement responsable en 2007, elle a promis d’en affecter le produit exclusivement à des projets admissibles ayant trait aux énergies renouvelables et à l’efficacité énergétique, et ce en veillant à assurer une plus grande transparence au niveau non seulement des prêts approuvés, mais également des flux d’investissement, ainsi qu’un suivi continu de l’impact attendu des fonds dans le temps. Cet aspect est important puisque de nombreux facteurs, y compris les conditions de marché, peuvent limiter le flux effectif de fonds et que, à mesure que les projets sont mis en œuvre, les hypothèses initiales en matière d’impact peuvent changer.

Les obligations climatiquement responsables ont démontré qu’il était possible de rendre compte des investissements effectifs sur la base d’objectifs de durabilité plutôt que simplement par secteur, comme le voulait la pratique en vigueur jusqu’alors. En 2018, la Banque européenne d’investissement a lancé les obligations pour le développement durable pour étendre cette approche à d’autres domaines de la durabilité environnementale et sociale, comme l’eau, la santé (y compris dans des projets liés au COVID‑19), l’éducation, le logement et la foresterie.

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Le potentiel des obligations vertes

Alimenté par la demande des investisseurs en faveur plus de clarté et de placements durables, le marché des obligations VSD a atteint une valeur de plus de 2 200 milliards d’euros au cours des quinze dernières années, dont plus de deux tiers constitués au cours des cinq dernières années. Entre 2018 et 2022, le recours de la Banque européenne d’investissement à ces instruments est, par exemple, passé de 7 % à 30 % de l’ensemble de ses financements.

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Les obligations vertes, sociales et durables ne se résument pas à une forme de financement. Leur force tient plutôt à leur capacité à attirer l’attention sur des projets menés en faveur du développement durable et sur leur réalisation concrète sur le terrain. D’après un rapport d’évaluation, ces obligations déclenchent un processus d’examen fiable, qui rehausse la qualité du mécanisme de collecte de fonds et de financement tout entier. Elles peuvent également contribuer à simplifier les comparaisons internationales entre les marchés et mettre en lumière des approches différentes, ce qui facilite les flux de capitaux par-delà les frontières dès lors que l’incertitude est allégée pour les acteurs des marchés.

« Nous assistons actuellement à une révolution copernicienne dans la politique de la finance durable, où les législateurs élaborent un langage commun à différents produits financiers et différentes juridictions nationales, qui permet aux marchés des capitaux d’opérer plus efficacement et d’améliorer l’efficacité des investissements durables », déclare Aldo Romani. « Les obligations VSD ne se veulent plus uniquement un produit financier, mais l’expression d’un développement structurel qui offre une occasion à la finance d’œuvrer pour le bien public. »

Perspectives

Le chemin sera encore long avant d’aboutir à une définition claire, qui soit acceptée universellement, quant à ce qui peut être réputé durable, mais avec son propre langage commun pour parler de la finance durable, l’Union européenne montre l’exemple et crée une référence essentielle pour le marché mondial.

En adoptant le règlement établissant la taxinomie européenne de la durabilité, en 2020, l’Union européenne a posé le principe qu’il était possible de mesurer de façon plus fiable et de mieux comparer comment les activités économiques contribuent aux objectifs de durabilité, mais surtout, elle a formalisé la logique présidant à une définition commune des principaux aspects de la durabilité. Ainsi, un ensemble cohérent de normes peut à présent être mis au point pour l’utilisation des produits générés par différents instruments financiers durables (par exemple, prêts verts et obligations vertes).

Les obligations vertes, sociales et durables, comme les obligations climatiquement responsables et les obligations pour le développement durable, permettent aux investisseurs durables de suivre à la trace l’affectation de leurs fonds tout le long de la chaîne d’investissement, ce qui rapproche la finance de l’économie réelle. Avec le renfort des taxinomies en cours d’élaboration, elles constituent l’outil le plus perfectionné pour faciliter les investissements durables. En précisant ce qui participe le plus à la durabilité, elles contribuent en outre à faire progresser la classification des secteurs économiques qui ne présentent pas d’utilité notable à cette fin. Cette classification complémentaire, que la plateforme européenne sur la finance durable a récemment plébiscitée dans un rapport, est indispensable pour déterminer lesquels de ces secteurs ne causent pas de préjudice important à l’environnement ou, grâce à des investissements opportuns, peuvent réduire ce préjudice à un niveau acceptable.

Comme elle s’y est engagée dans la Feuille de route de la banque du climat adoptée en 2021, la Banque européenne d’investissement apportera son écot à ce travail en analysant ses opérations de finance verte conformément au cadre défini par le règlement établissant une taxinomie de l’UE. Elle augmentera ainsi la clarté et la transparence pour ses parties prenantes, tout en étant le fer de lance de l’application de la législation européenne en matière de finance durable.

Avec ses quinze années d’expérience sur le marché des obligations vertes, sociales et durables et sa participation directe à la plateforme internationale sur la finance durable, la Banque européenne d’investissement confère au règlement sur la taxinomie de l’UE un effet opérationnel tant pour les financements que pour les prêts, qui donne corps à la finance durable au-delà des étiquettes. Elle en fait ainsi un puissant instrument au service de la société.