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L’innovation qui protège nos communications par satellite contre le brouillage ennemi

Les satellites communiquent généralement par ondes radio, qui peuvent être brouillées. Un pionnier français de la photonique mise sur les lasers et révolutionne les communications entre la Terre et l’espace

Par 27 novembre 2025
 

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Les satellites transmettent des données de l’espace vers la Terre à l’aide d’ondes radio. Mais cette technologie présente certains inconvénients : l’espace arrive, littéralement, à court d’espace pour accueillir toutes les fréquences radio, les transmissions radio sont vulnérables au brouillage et les ondes radio peinent de plus en plus à acheminer l’immense masse de données haute résolution générée par les satellites modernes. La guerre en Ukraine a mis en évidence les risques pour la sécurité : les signaux GPS sont souvent brouillés en mer Baltique et, avant même le conflit, les forces russes étaient déjà parvenues à perturber les communications par satellite en brouillant les signaux radiofréquence.

« En outre, les antennes radiofréquence peuvent avoir une durée de vie très courte dans les zones de combat », explique Hugues Gontier, directeur marketing et communication de Cailabs, dont le siège est à Rennes, en France. « Elles peuvent être détectées et détruites. »

Les signaux radio à faisceau étroit émis par les satellites balayent une zone étendue – en gros un cercle de 40 kilomètres de diamètre – alors que la communication par laser se resserre sur quelques dizaines de mètres ; il est donc exponentiellement plus difficile de détecter ou de brouiller des lasers. La technologie de Cailabs recourt à ce qu'on appelle la « conversion multiplan de la lumière » pour s’attaquer au plus grand défi de la communication par laser : l’atmosphère. En effet, comme la lumière interagit avec les variations rapides de la densité de l’air, la forme du faisceau laser est déformée au niveau du sol, ce qui fait scintiller le faisceau et interrompt la transmission.

Jérôme Marcelino, chargé d’investissement principal à la Banque européenne d’investissement qui a mené à bien le projet Cailabs, souligne que « financer une entreprise dont la technologie permet une communication plus sécurisée entre la Terre et les satellites est de plus en plus crucial pour la souveraineté de l’Europe, en particulier dans le contexte géopolitique actuel. La technologie optique/laser de Cailabs permet des transmissions de données plus sûres, plus rapides et de plus grande capacité que les systèmes de radiofréquence classiques, ouvrant la voie aux communications spatiales de demain. »

C’est le type d’innovation technologique qui pourrait avoir de vastes répercussions sur la sécurité et la défense de l’Europe, ainsi que sur le fonctionnement d’autres secteurs comme les télécommunications.

Atténuer les turbulences atmosphériques

Certains satellites utilisent déjà des lasers pour communiquer entre eux dans l’espace. Mais la transmission de faisceaux laser à travers l’atmosphère terrestre constitue un défi majeur. L’humidité, le brouillard, la pluie et les variations de température dans l’atmosphère dispersent et déforment les faisceaux laser au point de les rendre impossibles à reconnaître. C'est là que la technologie de Cailabs est véritablement transformatrice. L’entreprise a élaboré des outils optiques de pointe capables de reconstruire les signaux laser dispersés, en réassemblant pour ainsi dire le faisceau afin de récupérer les informations transmises. « Lorsqu’un laser traverse l’atmosphère, le récepteur satellite au sol ne capte pas un faisceau net, mais une multitude de points dispersés », explique Anders Bohlin, expert en technologies spatiales à la Banque européenne d’investissement. « La technologie de Cailabs lit ces configurations et reconstitue le faisceau pour en extraire l’information. C’est une première mondiale. »

Cette technologie a des applications civiles et militaires. Pour la surveillance du climat, par exemple, l’observation de la Terre « produit d’énormes volumes de données qu’il est tout simplement impossible de transmettre efficacement par radiofréquence, en raison de contraintes de capacité », indique Anders Bohlin. « Cette technologie permet d’élaborer des modèles de données bien plus précis pour l’analyse climatique. »

Les satellites à court d’espace

Le défi auquel Cailabs s’attaque est urgent. Des milliers de satellites sont en orbite autour de la Terre, assurant la surveillance météorologique, l’observation militaire, les télécommunications et la diffusion de programmes télévisés. À mesure que leur nombre augmente, les radiofréquences disponibles se font de plus en plus rares.

« Le spectre est désormais totalement saturé », explique Jérôme Marcelino, le chargé d’investissement. « Chaque fois que vous lancez une nouvelle constellation de satellites, vous devez demander une licence pour pouvoir communiquer avec elle. »

Des télécommunications à l’avant-garde du « nouvel espace »

Cailabs n’a pas toujours eu les yeux tournés vers les étoiles. Lorsque les fondateurs de l’entreprise, Jean‑François Morizur, Guillaume Labroille et Nicolas Treps, ont créé Cailabs en 2013, leur activité était axée sur les télécommunications et les applications industrielles des lasers. Après avoir établi un record mondial de capacité de transmission sur fibre optique en 2017, l’entreprise a changé de trajectoire lorsqu’un de ses clients du secteur des télécommunications lui a suggéré de mettre son savoir-faire en technologie laser au service des communications optiques en espace libre.

En 2022, Cailabs a installé des stations sol optiques – les systèmes matériels qui permettent d’assurer la communication laser entre la Terre et les satellites. L’entreprise est aujourd’hui un leader mondial dans ce domaine. Elle a vendu une dizaine de stations sol optiques, principalement à des organismes militaires et gouvernementaux, et s’est imposée comme le chef de file du marché dans ce secteur émergent. « Cailabs peut revendiquer être l’entreprise qui en a vendu le plus », observe Jérôme Marcelino, « et ses perspectives commerciales sont prometteuses. »

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Des financements innovants pour soutenir l’innovation à long terme

Pour conserver son avance et augmenter sa capacité de production, notamment grâce à une nouvelle usine prévue pour 2027, Cailabs a reçu de la BEI un financement de 37 millions d’euros sous la forme d’un prêt d’amorçage-investissement, assorti d’une garantie au titre d’InvestEU. Ce financement est qualifié de prêt d’amorçage-investissement car il est structuré comme un prêt, tout en prévoyant un remboursement ultérieur du capital et des intérêts pour permettre à l’entreprise de disposer de liquidités entre deux levées de fonds.

Parallèlement, Cailabs a bénéficié d’un financement supplémentaire de 20 millions d’euros d’autres investisseurs, dont le Fonds du Conseil européen de l’innovation (CEI), un investisseur de la première heure et actionnaire de l’entreprise. Le Fonds du CEI est un fonds d’investissement de 4 milliards d’euros relevant du programme de recherche Horizon Europe de la Commission européenne, qui soutient les technologies révolutionnaires au moyen d’investissements en capital-risque. Une équipe spécialisée de la BEI agit comme conseiller du Fonds du CEI. Son soutien précoce à Cailabs, en décembre 2022, a joué un rôle déterminant pour aider l’entreprise à changer d’échelle et à gagner en visibilité internationale.

Pour Cailabs, le partenariat avec la BEI représente plus qu’un apport de capital. « C’est la validation de notre modèle économique », souligne Hugues Gontier. « Il s’agit d’un financement à long terme qui montre au monde que notre stratégie de mise sur le marché est solide. » Nous sommes ici dans le domaine du matériel et de l’industrie – ce sont des projets qui s’inscrivent dans le long terme, et nous avons eu le sentiment que la BEI était pleinement réceptive à cette réalité. »

À l’heure où l’Europe s’emploie à consolider sa souveraineté technologique dans des secteurs critiques, Cailabs incarne l’innovation dont le continent a besoin, et l’évolution constante des instruments financiers de la BEI montre comment l’investissement public peut accélérer le passage des technologies de rupture du laboratoire au rang de leader sur le marché.