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    Il est temps de repenser à notre approche

    De 1900 à 2000, les économies les plus avancées ont atteint des niveaux de richesse matérielle inouïs. Le PIB mondial a été multiplié par 20, augmentant la disponibilité de biens de consommation abordables et sûrs. Dans les économies émergentes, la croissance a joué un rôle vital pour réduire l’extrême pauvreté et améliorer les conditions de vie de millions de personnes. Cependant, le système qui est au cœur de ce progrès historique repose sur une approche consistant à « extraire, fabriquer, jeter ». Les ressources sont extraites du sol et transformées en produits qui sont jetés après usage – c’est le modèle de l’économie linéaire.

    De 1900 à 2000, les économies les plus avancées ont atteint des niveaux de richesse matérielle inouïs. Le PIB mondial a été multiplié par 20, augmentant la disponibilité de biens de consommation abordables et sûrs. Dans les économies émergentes, la croissance a joué un rôle vital pour réduire l’extrême pauvreté et améliorer les conditions de vie de millions de personnes. Cependant, le système qui est au cœur de ce progrès historique repose sur une approche consistant à « extraire, fabriquer, jeter ».

    Les incidences environnementales d’une telle approche se précisent de jour en jour. Prenez certains produits que l’on retrouve partout : pour chaque dollar dépensé en nourriture, deux dollars de coûts sanitaires, de dommages environnementaux et de gaspillage économique sont générés sous la forme de sols dégradés, de pollution, de denrées nocives et de déchets alimentaires. La production de plastique dépend presque entièrement des combustibles fossiles et huit millions de tonnes de plastique par an se retrouvent dans les océans du monde. Si rien n’est fait, la perspective qu’il y ait, en poids, plus de plastique que de poissons dans l’océan d’ici 2050 est bien réelle. [1]

    Les pertes directes pour l’économie ne sont pas moins tangibles. Dans l’industrie de la mode, sur les 53 millions de tonnes de fibres utilisées pour produire des vêtements chaque année, 1 % seulement est recyclé en nouveaux vêtements, tandis que 38 millions de tonnes sont enfouies ou incinérées. Au total, la valeur perdue chaque année du fait de la sous-utilisation ou du non-recyclage des vêtements dépasse 500 milliards de dollars. Il en va de même pour d’autres matériaux. En Europe, le citoyen moyen utilise 16 tonnes de matériaux par an, dont 60 % sont mis en décharge ou incinérés. La perte s’élève à 95 % si l’on tient compte de leur valeur et de l’énergie utilisée pour les fabriquer.[2]

    Les inconvénients fondamentaux du modèle linéaire ne laissent aucun doute quant au fait qu’il a atteint ses limites. La perspective d’une croissance démographique et d’une expansion rapide de la classe moyenne dans le monde, où la plupart des frontières planétaires ont été franchies ou sont en passe de l’être, souligne la nécessité d’une remise en question sérieuse.

    >@Ellen MacArthur Foundation, SUN, and McKinsey Center for Business and Environment/EIB

    L'économie circulaire : un système qui a de l'avenir

    Face au gaspillage inhérent au modèle linéaire, l’économie circulaire tend, depuis quelques années, à s’affirmer de plus en plus comme une réponse crédible. Cette approche du développement économique, qui s’appuie sur une transition vers les sources d’énergie renouvelables, vise à profiter tout à la fois aux entreprises, à la société et à l’environnement. À mesure que nous nous orientons vers une économie plus circulaire, la création de valeur s’écarte progressivement de la consommation de ressources limitées. Elle offre de nouvelles possibilités aux organisations, petites et grandes, locales et mondiales, privées et publiques, en les encourageant à créer une économie distribuée, diversifiée et inclusive.

    L’économie circulaire repose sur trois principes. Premièrement, les déchets et la pollution doivent être évités dès la conception. Deuxièmement, les produits et les matériaux sont maintenus en usage. Troisièmement, les systèmes naturels sont régénérés.

    L’économie circulaire repose sur trois principes. Premièrement, les déchets et la pollution doivent être évités dès la conception. Les effets négatifs de l’activité économique préjudiciables à la santé humaine et aux écosystèmes sont, de ce fait, éliminés. Il s’agit notamment de facteurs comme le rejet de gaz à effet de serre, l’utilisation de substances toxiques et dangereuses, la pollution de l’air, du sol et de l’eau, ainsi que l’enfouissement et l’incinération des déchets. Deuxièmement, les produits et les matériaux sont maintenus en usage. Cela suppose de favoriser les activités qui préservent l’intégration maximale de l’énergie, de la main-d’œuvre et des matériaux. La conception axée sur la durabilité, la réutilisation, le reconditionnement et, en dernier ressort, le recyclage en sont des exemples. Troisièmement, les systèmes naturels sont régénérés. Cela consiste, par exemple, à déployer des pratiques agricoles qui non seulement évitent de dégrader la santé des sols, mais tendent même à la restaurer au fil du temps.

    Le modèle fait la distinction entre les cycles techniques et biologiques. Dans les cycles biologiques, les aliments et les matières biologiques (par exemple, le coton ou le bois) sont réintégrés dans le système par des processus tels que le compostage ou la digestion anaérobie. Ces cycles régénèrent les systèmes vivants comme les sols, qui fournissent des ressources renouvelables à l’économie. Les cycles techniques, quant à eux, récupèrent et restaurent les produits, les composants et les matériaux au moyen de stratégies de réutilisation, de réparation, de reconditionnement ou de recyclage.

    Il est important de noter que la transition vers une économie circulaire ne se résume pas à des ajustements visant à réduire les effets négatifs de l’économie linéaire. Elle reflète plutôt un changement systémique qui renforce la résilience à long terme aux chocs économiques, crée des possibilités commerciales et procure des avantages environnementaux et sociétaux.

    ©Bloomberg/ Getty Images

    HELSINKI TRANSFORME SON SYSTÈME DE TRANSPORT EN METTANT EN PLACE UN RÉSEAU NUMÉRIQUE

    Les villes : points de convergence des ressources

    Les tendances mondiales en matière d’urbanisation font que les villes – où se concentrent les ressources, les capitaux, les données et les talents – s’affirmeront de plus en plus comme les principales sources de richesse économique et joueront donc un rôle central dans la transition vers une économie circulaire.

    Les urbanistes et les décideurs peuvent intégrer des principes circulaires dans les fonctions de la ville pour créer un système urbain régénérateur. Dans le milieu bâti, les techniques de fabrication hors site et les nouvelles technologies comme l’impression 3D peuvent contribuer à réduire sensiblement les déchets de construction. Grâce aux plateformes numériques, les bâtiments peuvent avoir plusieurs utilisateurs sur une journée ou au cours d’une année, de manière à accroître les taux d’utilisation (en Europe, même aux heures ouvrables, les bureaux ne sont occupés en moyenne qu’à 40 %). Compte tenu des possibilités de conception modulaire aisément démontable, les bâtiments peuvent être rapidement réutilisés ou servir de banques de matériaux. Sur le plan de la mobilité, les villes peuvent évoluer vers un système de transport à la demande, à zéro émission, intégrant des véhicules partagés et des transports publics, de manière à réduire la dépendance à l’égard des voitures particulières, largement sous-utilisées (en Europe, une voiture reste en stationnement 92 % du temps en moyenne).

    Les aliments peuvent être cultivés localement en milieu périurbain et urbain

    En ce qui concerne l’alimentation, les citoyens peuvent avoir accès à des produits issus de l’agriculture régénératrice, qui n’utilise pas d’engrais ou de pesticides d’origine fossile et qui renforce la santé des sols. Dans la mesure du possible, ces aliments peuvent être cultivés localement en milieu périurbain et urbain, à l’aide de techniques comme l’agriculture verticale, qui permet de cultiver à l’intérieur, sans pesticides, en consommant 70 à 90 % d’eau en moins que l’agriculture conventionnelle. Les déchets alimentaires et les eaux usées peuvent devenir de précieuses sources d’énergie et de matières organiques à transformer en produits chimiques et en engrais organiques.

    Certaines de ces idées ont déjà été mises en pratique. Le groupe Broad, une entreprise de construction chinoise, a appliqué des méthodes de construction modulaire à des usines et à des immeubles de grande hauteur. Il a pu ainsi multiplier par six à dix l’efficacité des activités de production, d’installation et de logistique, réduire presque à zéro le gaspillage de matériaux et faire baisser les coûts de construction de 40 %.

    En Finlande, la ville d’Helsinki transforme son système de transport en mettant en place un réseau numérique de mobilité à la demande point à point. Le système intégrera toutes les options de transport, y compris les autobus, les taxis, le covoiturage et les vélos partagés, sur une plateforme de paiement unique. L’utilisateur accédera à la plateforme au moyen d’une application pour smartphone, qui fonctionnera comme un planificateur de trajet.

    Le digesteur anaérobie de Montpellier, qui est le plus grand de France, est capable de traiter 173 000 tonnes de déchets municipaux solides par an. Il génère 19 gigawattheures (GWh) d’électricité et 7 GWh de chaleur, qui alimentent les ménages et une clinique du voisinage. Il produit également 25 800 tonnes de compost, qui sont répandues dans les espaces verts publics locaux et sur les terres agricoles à proximité.

    La transition vers une économie circulaire apporte également des avantages économiques importants au niveau urbain et national. Une étude récente portant sur la Chine montre que, d’ici 2040, les possibilités offertes par l’économie circulaire en milieu bâti dans les secteurs de la mobilité, de la nutrition, du textile et de l’électronique pourraient faire économiser aux entreprises et aux ménages quelque 11 000 milliards de dollars, soit 16 % du PIB prévu, par rapport à la trajectoire de développement actuelle.[3] Ces mêmes possibilités pourraient aussi se traduire par des avantages substantiels pour l’environnement et la société. D’ici 2040, les émissions de particules fines nocives pourraient être réduites de 50 %, les émissions de gaz à effet de serre de 23 % et la congestion du trafic de 47 %. Les recherches concernant l’Europe laissent entrevoir des résultats similaires. D’ici 2030, les bénéfices pour l’économie européenne dans son ensemble pourraient dépasser de 900 milliards d’EUR ceux attendus dans le scénario linéaire. Le revenu disponible pour les ménages européens pourrait être supérieur de 11 points de pourcentage et les émissions de CO2 inférieures de 48 %.

    Les modèles d’entreprise au cœur de ces possibilités économiques et environnementales reposent sur le partage, la réutilisation et la réparation, ainsi que la prolongation de la durée de vie des produits. Ils ouvrent de nouvelles perspectives permettant de créer de la valeur sans épuiser nos ressources limitées.[4]

    ©Caiaimage/Paul Bradbury/ Getty Images

    LES VOITURES ET LES VÉLOS PEUVENT ÊTRE PARTAGÉS AU MOYEN DE PLATEFORMES NUMÉRIQUES

    Un meilleur service à moindre prix

    Les modèles d’entreprise de l’économie circulaire tendent vers une utilisation plus efficace des ressources et vers l’établissement de relations plus solides avec les clients, en offrant un meilleur service à un prix plus bas. Des produits omniprésents dans nos paysages urbains, comme les voitures et les vélos, peuvent être conçus pour être durables et faciles à entretenir, à remettre en état, à reconditionner et à recycler. Ils peuvent alors être partagés entre de nombreux utilisateurs au moyen de plateformes numériques.

    Des produits omniprésents dans nos paysages urbains, comme les voitures et les vélos, peuvent être conçus pour être durables et faciles à entretenir, à remettre en état, à reconditionner et à recycler.

    En Inde, par exemple, le constructeur automobile Mahindra a lancé un véhicule électrique destiné à un usage urbain. La voiture est mise à disposition en autopartage. Les utilisateurs ont le choix de payer à l’heure, à la journée ou à la semaine, au lieu d’acheter le véhicule : cet usage intensif incite le constructeur à veiller à la durabilité et à l’évolutivité de la voiture.

    Dès lors qu’elles restent responsables de leurs produits, les entreprises peuvent en optimiser l’utilisation et prendre en charge l’entretien, le reconditionnement, le déploiement et la récupération des matériaux après usage. De ce fait, un plus grand nombre d’entreprises choisissent de proposer un service plutôt qu’un produit.

    L’entreprise technologique néerlandaise Philips, par exemple, s’est ainsi mise à vendre de la lumière plutôt que des ampoules électriques. C’est le modèle « pay per lux », qui se traduit par des coûts plus bas et un meilleur service pour le client, puisque ce dernier n’a pas à s’occuper de l’entretien et que toute surcapacité est évitée dès la conception. Philips reste propriétaire des systèmes d’éclairage et se sert de son savoir-faire pour les faire fonctionner le plus efficacement possible, réduisant la consommation d’énergie et les coûts des matériaux.

    Une remise en question fondamentale de la façon dont nous concevons les produits ouvre de larges perspectives lorsqu’il s’agit de les garder en service plus longtemps et de préserver les matériaux qui les composent et l’énergie qu’ils consomment pendant de nombreux cycles consécutifs, plutôt que de viser simplement le rendement et un faible prix d’achat. Cela permet aux fabricants d’utiliser plus efficacement les ressources sur le long terme.

    Par exemple, le constructeur automobile français Renault reconditionne certaines pièces comme les blocs moteurs. Cette démarche consomme 80 % d’énergie, 88 % d’eau, 92 % de substances chimiques en moins que la fabrication de nouveaux produits et engendre 70 % de déchets en moins.

    La transition vers une économie circulaire passe avant tout par l’abandon des activités fondées sur l’extraction et la consommation au profit de celles qui privilégient la régénération et la restauration. Les entreprises qui réinventent leur façon de créer de la valeur selon les principes d’une économie circulaire ont de bien meilleures chances de prospérer dans les villes et les sociétés de demain. Une entreprise alimentée par une énergie renouvelable, qui parvient à s’affranchir de l’extraction continue de matières premières en maintenant en circulation les produits et les matériaux, résistera sans doute mieux aux incertitudes futures.

    ©Bloomberg/ Getty Images

    Catalyser la transition

    Le passage à une économie circulaire offre de nombreux avantages et suscite un intérêt croissant. Pour catalyser cette transition, il est important d’accomplir des progrès dans quatre domaines.

    L'innovation numérique

    L’essor des nouvelles technologies numériques est un facteur important de la transition vers une économie circulaire. Ces technologies facilitent les opérations de suivi et de récupération et permettent de négocier en temps réel l’accès à des produits et matériaux de valeur. Les modèles d’entreprise circulaires reposent de plus en plus sur l’informatique en nuage, l’exploration de données, la communication de machine à machine et les chaînes de blocs.

    Par exemple, la multinationale HP, spécialisée dans les technologies de l’information, a développé l’application Instant Ink, qui utilise l’Internet des objets (IdO), un réseau d’appareils capables d’échanger des informations. Instant Ink est un système d’abonnement IdO destiné aux particuliers et aux petites entreprises qui utilisent des imprimantes connectées, au moyen duquel les clients reçoivent des cartouches de remplacement, ainsi que des enveloppes prépayées pour renvoyer les cartouches usagées, avant de tomber à court d’encre. Ce modèle, qui permet à HP de réutiliser ses cartouches de nombreuses fois, démontre la faisabilité d’un programme de récupération et de recyclage des composants dans le secteur de l’électronique grand public.

    ©Prisma by Dukas/ Getty Images

    LA MISE À JOUR DES DÉFINITIONS DES DÉCHETS PERMETTRA LE COMMERCE DES COMPOSANTS ET MATÉRIAUX DESTINÉS AU RÉEMPLOI

    Des politiques favorables

    À tous les niveaux, les pouvoirs publics peuvent faciliter la transition en créant un environnement propice. Il est essentiel, à cet égard, de mettre en place des politiques d’encouragement, des infrastructures appropriées et des processus transparents. À l’échelon européen, la Commission a pris l’initiative avec l’adoption du train de mesures sur l’économie circulaire en décembre 2015. L’idée est de susciter un renouveau industriel conforme aux objectifs environnementaux. Depuis, plusieurs gouvernements nationaux ont adopté des politiques d’économie circulaire et des pays comme la Finlande, la France, la Slovénie et l’Italie ont récemment dévoilé des feuilles de route nationales en la matière. Les villes aussi cherchent à ouvrir des perspectives : Amsterdam, Paris, Londres et Bruxelles ont élaboré à cet égard des stratégies de grande envergure, axées sur l’innovation économique. L’Europe est loin d’être seule dans ces efforts. La Chine a ainsi adopté des politiques d’économie circulaire au début des années 2000, et son dernier train de mesures, lancé en 2017, a mis l’accent sur des solutions en amont avec des dispositions portant sur la stratégie de conception et sur une extension de la responsabilité des producteurs.

    : Amsterdam, Paris, Londres et Bruxelles ont élaboré à cet égard des stratégies de grande envergure, axées sur l’innovation économique.

    Dans l’ensemble, ce sont des premiers pas très encourageants susceptibles de donner une orientation claire aux entreprises et aux investisseurs, mais on peut faire davantage. L’éventail des mesures fiscales et réglementaires envisageables en faveur de l’économie circulaire reste large : tarification des incidences négatives de l’économie linéaire, dissuasion de la surexploitation des ressources non renouvelables, suppression des obstacles qui risqueraient d’entraver les modèles commerciaux circulaires dans les réglementations existantes, par exemple en mettant à jour les définitions des déchets pour permettre le commerce des composants et matériaux destinés au réemploi.

    ©Adrienne Bresnahan/ Getty Images

    IL FAUDRA INSTAURER UN NOUVEAU SYSTÈME POUR LES EMBALLAGES PLASTIQUES À USAGE UNIQUE

    Des niveaux de collaboration sans précédent

    Même avec les meilleures intentions du monde, les efforts de la plupart des entreprises et des pouvoirs publics en matière d’économie circulaire seront limités s’ils sont menés isolément. Pour obtenir des résultats, les intervenants vont devoir repenser la nature et la profondeur de leur collaboration et travailler ensemble afin de parvenir à un changement au niveau du système. Par exemple, les concepteurs et les fabricants devront collaborer étroitement avec les prestataires de services de gestion des déchets, les urbanistes et les pouvoirs publics pour mettre en place l’infrastructure et les mécanismes nécessaires à la réutilisation de ce qu’ils produisent. Il faudra notamment imaginer un nouveau système pour les emballages plastiques à usage unique.

    La convergence des efforts de l’industrie en matière de conception (matériaux et formats) et de systèmes (de collecte, de tri et de retraitement) après usage sera cruciale pour améliorer de manière décisive l’économie de la réutilisation et du recyclage par rapport à la mise en décharge ou à l’incinération.

    En particulier, il est indispensable qu’il existe une collaboration préconcurrentielle en ce qui concerne les flux mondiaux et complexes de matériaux comme les plastiques, les textiles et les aliments. L’établissement de flux circulaires ne sera pas possible sans un alignement sur une vision commune et sans un engagement résolu de la part de tous ceux qui interviennent dans la manière dont les matériaux sont utilisés. Un pas a été fait dans cette direction, avec l’engagement mondial en vue d’éradiquer à la source la production de déchets plastiques et la pollution qu’ils génèrent, qui a été souscrit en octobre 2018 et qui met ses signataires sur la voie d’une économie circulaire pour le plastique. Il a été signé par plus de 250 organismes, dont un grand nombre de producteurs d’emballages, de marques, de détaillants et d’entreprises de recyclage de premier plan à l’échelle mondiale, ainsi que des États et des ONG. Parmi les signataires figurent des entreprises qui représentent 20 % de l’ensemble des emballages plastiques produits dans le monde.

    ©Valery Matytsin/ Getty Images

    DANS LES CYCLES BIOLOGIQUES, LES MATIÈRES TELLES QUE LE COTON OU LE BOIS SONT RÉINTÉGRÉES DANS LE SYSTÈME PAR COMPOSTAGE OU DIGESTION ANAÉROBIE

    L'accès aux capitaux

    Le déploiement à grande échelle de ces solutions en matière d’économie circulaire créera d’importantes possibilités d’investissement. L’analyse a montré qu’en Europe, pour libérer les avantages économiques, sociaux et environnementaux d’une telle transition, il faudrait investir 320 milliards d’EUR supplémentaires, qui se répartissent dans trois grands thèmes. Dans le milieu bâti, 115 milliards d’EUR pourraient être investis dans la conception de bâtiments modulaires à usages multiples, l’accélération de la réutilisation des déchets de construction et l’intégration des principes d’économie circulaire dans l’urbanisme. Pour améliorer la mobilité, 135 milliards d’EUR pourraient être investis dans l’intégration des véhicules partagés dans les transports publics, la production de voitures à zéro émission pouvant être refabriquées et la mise en place d’une logistique de recyclage pour les véhicules. Enfin, des investissements à hauteur de 70 milliards d’EUR dans le secteur alimentaire pourraient favoriser le passage à des pratiques agricoles régénératrices, la mise en circulation de nutriments organiques et des technologies innovantes comme l’aquaponie et les nouvelles sources de protéines. Ces investissements, qui peuvent être facilités par des réformes politiques ou des initiatives industrielles d’envergure modeste, permettraient aux innovations de l’économie circulaire d’être pleinement exploitées.

    Les capitaux commencent à affluer. En septembre, le groupe bancaire italien Intesa Sanpaolo a annoncé l’ouverture d’une ligne de crédit d’un montant maximum de 5 milliards d’EUR pour 2018-2021 en faveur d’entreprises qui adoptent les principes de l’économie circulaire de manière innovante. Le groupe bancaire néerlandais ING publie des analyses sur les avantages financiers de la transition vers un modèle circulaire, élabore avec ses clients des propositions et des opérations commerciales qui vont dans cette direction, et crée une demande sur le marché pour les produits de l’économie circulaire. Des fonds publics sont aussi mis à disposition. L’Union européenne a alloué 650 millions d’EUR à la recherche et à l’innovation dans le domaine de l’économie circulaire au titre d’Horizon 2020, et 5,5 milliards d’EUR pour la gestion des déchets au titre des Fonds structurels et d’investissement. Au niveau des États membres de l’UE, la Banque européenne d’investissement a cofinancé des projets d’économie circulaire à hauteur de 2,4 milliards d’EUR au cours des cinq dernières années, en proposant non seulement des prêts et d’autres instruments, mais aussi des conseils financiers et techniques.

    Comment rediriger l’afflux de capitaux pour privilégier les possibilités offertes par l’économie circulaire, plutôt que les investissements dans le modèle linéaire ? Une piste pourrait être de mesurer la « circularité » des entreprises. Les mesures de ce genre – si elles sont suffisamment fiables et faciles à utiliser – pourraient être largement adoptées par les investisseurs, dès lors que des notes élevées indiqueraient une source probable de bons rendements sur le marché. Une autre solution serait d’accroître l’attrait des actifs à financer en y intégrant dès la conception une dimension circulaire. Leur valeur après utilisation s’en trouverait augmentée et le risque d’un démantèlement coûteux serait ainsi écarté. Une telle approche pourrait s’appliquer aux secteurs des infrastructures énergétiques, de l’immobilier et des transports, pour n’en citer que quelques-uns. Il sera également nécessaire de repenser les besoins de financement à plus court terme des modèles d’entreprise circulaires. Les modèles de paiement à l’utilisation, par exemple, augmentent les besoins en fonds de roulement puisqu’il faut plus de temps, parfois plusieurs années, avant que les coûts de production ne soient recouvrés. Le risque de crédit est donc plus important, mais le risque lié au prix des matières premières diminue. Un modèle de crédit-bail permettrait-il de partager entre l’utilisateur, le producteur et le financier la valeur sous-jacente plus élevée de la réduction des coûts de production futurs ? La finance dans une économie circulaire est un domaine encore jeune, qui appelle une réflexion novatrice.

    ©ESB Professional/ Shutterstock

    La marche à suivre

    La transition vers une économie circulaire est en cours. Les entreprises, les pouvoirs publics, les ONG et les investisseurs ont déjà commencé à prendre des mesures décisives pour y parvenir. La philosophie de l’économie circulaire est de plus en plus présente dans l’ensemble des chaînes d’approvisionnement. Le nombre de pays qui élaborent à leur échelle des stratégies d’économie circulaire se multiplie. Dans les villes, les réseaux de laboratoires de fabrication, les plateformes collaboratives et les échanges entre pairs se développent au même rythme. L’aspect le plus révélateur, peut- être, c’est la reconnaissance croissante dans de nombreux milieux du fait qu’une économie circulaire est capable d’offrir une multitude de possibilités commerciales régénératrices, tout en servant de mécanisme de mise en œuvre des avancées environnementales et sociétales esquissées dans les objectifs mondiaux de l’ONU. Ce qu’il faut maintenant, c’est que ceux qui sont en mesure de le faire saisissent à pleines mains les occasions de concevoir une économie véritablement régénératrice : une économie qui fonctionne sur le long terme.

    © Ellen MacArthrour Foundation

    Dame Ellen MacArthur

    Les observations, interprétations et conclusions exposées ici sont celles des auteurs et ne reflètent pas nécessairement les points de vue de la Banque européenne d’investissement.

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    © Banque européenne d'investissement 2018

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    Notes de bas de page

    [1] Fondation Ellen MacArthur, The New Plastics Economy: Rethinking the Future of Plastics, 2016

    [2] Fondation Ellen MacArthur, SUN, McKinsey Center for Business and Environment, Growth Within: A Circular Economy Vision for a Competitive Europe, 2015

    [3] Fondation Ellen MacArthur & ARUP, The Circular Economy Opportunity for Urban and Industrial Innovation in China, 2018

    [4] Fondation Ellen MacArthur, SUN, McKinsey Center for Business and Environment, Growth Within: A Circular Economy Vision for a Competitive Europe, 2015

    Références

    • ABN AMRO, ING, Rabobank: Circular Economy Finance Guidelines, Amsterdam, 2018
    • Benyus, J., Biomimicry: Innovation Inspired by Nature; Harper Collins: New York, 2002
    • Braungart, M. et McDonough, W., Cradle to Cradle: Remaking the Way We Make Things, North Point Press, New York, 2002
    • Fondation Ellen MacArthur : A New Textiles Economy: Redesigning fashion’s future, 2017
    • Fondation Ellen MacArthur : Circular Economy in India: Rethinking Growth for Long-Term Prosperity, 2016
    • Fondation Ellen MacArthur : The Circular Economy Opportunity for Urban and Industrial Innovation in China, 2018
    • Fondation Ellen MacArthur : The New Plastics Economy: Rethinking the Future of Plastics, 2016
    • Fondation Ellen MacArthur : Towards a Circular Economy Vol. 1, 2012
    • Fondation Ellen MacArthur : Towards a Circular Economy Vol. 2: Opportunities for the Consumer Goods Sector, 2013
    • Fondation Ellen MacArthur : Towards a Circular Economy Vol. 3: Accelerating the Scale-up Across Global Supply Chains, 2014
    • Banque européenne d’investissement : Access to Finance for a Circular Economy
    • Banque européenne d’investissement : Circular Economy Guide
    • Heck, S. et Rogers, M.: Resource Revolution: How to Capture the Biggest Business Opportunity in a Century, 2014
    • Département d’économie d’ING : Rethinking Finance in a Circular Economy: Financial Implications for Business Models, 2015
    • Stahel, W.H. Nature. 2016, 531, 435–438- SYSTEMIQ, en collaboration avec la Fondation Ellen MacArthur et avec le parrainage de SUN : Achieving Growth Within, Londres, 2017
    • Groupe de travail FinanCE : Money Makes the World Go Round (And Will It Help to Make the Economy Circular As Well?), 2016