Après avoir rencontré vendredi les ministres des finances de l’UE lors d’une réunion informelle du Conseil « Affaires économiques et financières » à Gand en Belgique, la présidente de la BEI, Nadia Calviño, a tenu une conférence de presse pour exposer l’ambitieuse stratégie du Groupe BEI, en soulignant huit grandes priorités.

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Seul le discours prononcé fait foi


>@Ricardo Harris/EIB

Je me félicite vivement des échanges constructifs et fructueux que nous avons eus aujourd’hui lors de cette réunion informelle Ecofin, sous la présidence belge, autour de notre ambitieuse stratégie visant à tirer parti des atouts qui font la force du Groupe BEI, en ciblant huit priorités d’intervention et en déployant pleinement le potentiel du Groupe, afin de concrétiser les objectifs de l’Union européenne et d’en appuyer les priorités. Les ministres présents autour de la table ont affirmé leur soutien résolu à cette stratégie, ce qui est bien entendu extrêmement utile pour nous permettre de poursuivre sur notre lancée et d’engager un certain nombre d’axes de travail au cours des prochaines semaines.

L’Europe à la croisée des chemins

L’Union européenne se trouve à la croisée des chemins. Elle a pris certaines décisions importantes ces dernières semaines, consolidant par là même la capacité d’action du Groupe BEI. Ces choix démontrent que, lorsque nous collaborons et agissons de manière déterminée et unie, nous pouvons jouer un rôle moteur. Cette conviction étaye solidement la stratégie que nous avons présentée aujourd’hui, et qui est le résultat d’échanges très intenses avec les parties prenantes, au premier rang desquelles les États membres.

Depuis mon entrée en fonction début janvier dernier, j’ai visité plusieurs capitales et me suis entretenue avec de multiples parties prenantes en vue de déterminer quelles devraient être les priorités du Groupe Banque européenne d’investissement. Toutes ces discussions ont mis en lumière une forte résolution à faire de notre Union un lieu de vie plus agréable, plus écologique, plus sûr et plus juste. Face aux incertitudes géopolitiques actuelles, s’exprime aussi la ferme volonté de renforcer le rôle de l’Europe dans le monde, le soutien à l’Ukraine constituant l’une de nos priorités absolues.

Nos discussions se sont articulées autour de trois axes clés :

  • tirer parti des atouts qui font la force du Groupe BEI ;
  • cibler huit priorités d’intervention ;
  • déployer pleinement le potentiel de la BEI en sa qualité de bras financier de l’UE.

Son bilan d’environ 600 milliards d’euros, son capital solide, sa note AAA et sa forte capacité à mobiliser des investissements privés, font clairement du Groupe BEI un instrument très influent. Si on y ajoute son solide savoir-faire technique et son importante expérience en matière d’investissement dans les grandes infrastructures, l’action pour le climat et l’innovation, la base pour dynamiser les activités du Groupe BEI dans les années à venir est très fiable.

Le Groupe BEI a produit d’excellents résultats en 2023, avec la signature d’opérations représentant un montant total de 88 milliards d’euros, dont plus de 90 % investis au sein de l’UE. Plus de 50 % de ces investissements ont été consacrés à la lutte contre les changements climatiques. Le Groupe BEI s’est imposé comme la banque du climat et un précurseur proposant de nouveaux instruments financiers innovants qui permettent de soutenir la double transition écologique et numérique, ainsi que la mise en œuvre de projets de façon très tangible sur le terrain.

S’agissant de l’avenir, les gouverneurs et les ministres des finances se félicitent unanimement que le Groupe BEI puisse jouer un rôle encore plus percutant pour relever les grands défis qui attendent l’UE. Il est entendu que le climat, la cohésion et la compétitivité sont des enjeux indissociables. Nous devons donc nous positionner pour les aborder simultanément et y répondre de façon à transformer la transition écologique en réussite européenne. Cette ambition est à l’origine des huit priorités d’intervention que j’ai présentées aujourd’hui et qui ont recueilli une forte adhésion auprès des ministres des finances.

La première d’entre elles consiste à consolider la banque du climat afin de stimuler les investissements à l’appui de l’atténuation des changements climatiques et de l’adaptation à leurs effets, ainsi que de la transition énergétique. À cet égard, nous continuerons de soutenir les investissements en faveur de toutes les technologies pertinentes, comme le prévoit notre mandat.

Les ministres ont salué notre proposition portant sur un nouveau programme consacré à l’eau, qui permettra d’aider les villes, les régions et les entreprises, en particulier les agriculteurs et le secteur agricole, à gérer les conséquences des sécheresses et des inondations, et à accroître l’efficacité de la gestion du cycle de l’eau. Nous élaborerons également un nouveau programme relatif à l’efficacité énergétique des PME, qui vise à développer un noyau de technologies vertes rentables économiquement et susceptibles d’avoir un impact significatif sur l’efficacité énergétique en Europe.

La deuxième priorité consiste à accélérer la transition numérique et l’innovation technologique. À ce sujet, nous avons discuté de la nécessité d’une réindustrialisation de l’Europe dans les secteurs qui sont essentiels à notre autonomie stratégique et à notre sécurité économique, notamment ceux concernant les semi-conducteurs, l’intelligence artificielle, les sciences de la vie, la fabrication de pointe, les matériaux avancés, tout en mettant l’accent sur les matières premières critiques et les technologies neutres en carbone afin de garantir la résilience des chaînes de valeur.

Nous finançons déjà des projets de pointe tels que l’usine de production circulaire de batteries Northvolt en Suède et le plus grand fabricant européen de panneaux solaires en Italie. Certains projets sont également en cours d’évaluation dans le domaine des matières premières critiques au sein de l’Union européenne. Le lancement d’un nouveau « programme FASTER » nous aidera à accélérer la transformation numérique et l’innovation technologique au sein de l’UE.

La troisième priorité revient à accroître les investissements dans la sécurité et la défense. Il est évident qu’il est nécessaire de renforcer l’industrie européenne de la sécurité et de la défense. La BEI investit dans la sécurité et la défense depuis huit ans. Nous avons financé des projets en faveur des plus grands acteurs européens dans les domaines des nouvelles technologies, des infrastructures critiques, de la cybersécurité, de l’espace, des technologies et des équipements à double usage. Les projets ont notamment porté sur les drones à double usage et les systèmes de protection des frontières. Il s’agit d’infrastructures critiques et deux priorités absolues pour les pays en première ligne, comme j’ai pu l’apprécier lors de mes visites dans les régions nordiques et baltes la semaine dernière.

La dotation de l’initiative stratégique pour la sécurité européenne (ISSE) – créée au sein du Groupe Banque européenne d’investissement pour soutenir les investissements en matière de sécurité et de défense – a été portée à 8 milliards d’euros en 2023, dont seulement 2 milliards d’euros ont été investis jusqu’à présent. Et nous venons de lancer, par l’intermédiaire du Fonds européen d’investissement, le mécanisme de fonds propres dans le domaine de la défense, doté de 175 millions d’euros et destiné à soutenir les jeunes pousses et les PME dans ce domaine.

Comme je l’ai dit depuis mon entrée en fonction début janvier, nous sommes prêts à faire davantage pour contribuer à des projets communs qui stimulent l’industrie européenne et renforcent la protection et la dissuasion à l’échelle de l’Europe.

  • Nous travaillons d’ores et déjà avec la Commission européenne et d’autres parties prenantes clés sur le champ d’application et la définition des technologies et des équipements à double usage. Aujourd’hui, nous avons convenu lors de la réunion que je rendrai compte dans deux mois de l’état d’avancement de ces discussions en cours et collaborerai avec d’autres parties prenantes clés sur le champ d’application et la définition des technologies et des équipements à double usage.
  • Nous avons également décidé d’œuvrer ensemble à la rationalisation des processus, grâce à l’établissement d’un guichet unique pour les projets de sécurité et de défense, afin que nous puissions accélérer le déploiement des 6 milliards d’euros qui restent à investir au titre de l’initiative ISSE.
  • En outre, la stratégie de la Banque visant à renforcer nos partenariats et à en tisser de nouveaux, par exemple avec l’OTAN, a également recueilli une adhésion marquée, l’objectif étant de voir comment nous pouvons contribuer à ces priorités européennes très importantes.

La quatrième priorité est de contribuer à une politique de cohésion moderne. Une transition écologique juste nécessite manifestement des investissements en faveur des secteurs et territoires les plus touchés, en particulier ceux largement tributaires d’activités à forte intensité de carbone. La Banque européenne d’investissement a donc un rôle important à jouer à cet égard.

La cinquième priorité vise à mettre au point des financements innovants pour l’agriculture et la bioéconomie. Le secteur agricole joue un rôle déterminant dans la transition écologique, la sécurité alimentaire et l’autonomie stratégique de l’Europe. Nous examinerons donc comment optimiser les retombées positives de nos instruments et trouver des synergies avec la politique agricole commune. De plus, nous étudierons d’éventuels produits supplémentaires, par exemple dans le domaine de l’assurance, car une politique européenne d’assurance pourrait soutenir le secteur agricole en ce qui concerne l’atténuation des changements climatiques, l’adaptation à leurs effets et la transition écologique de manière plus générale.

La sixième priorité dont nous avons discuté a pour vocation de stimuler l’investissement dans les infrastructures sociales, telles que celles relatives à l’éducation et aux compétences, à la santé et au logement abordable, ce qui constitue un défi majeur dans de nombreux États membres. Nous examinerons avec les États membres comment intensifier nos activités dans ces domaines.

La septième priorité aspire à concevoir des instruments pionniers à l’appui de l’union des marchés de capitaux. Nous sommes convenus d’engager certains axes de travail afin que la Banque européenne d’investissement puisse exercer un effet de levier et puisse également lancer de nouveaux instruments de l’UE susceptibles d’être les éléments constitutifs d’une véritable Union des marchés des capitaux.

Enfin, un dernier point, mais non le moindre, nous avons décidé de donner une large place aux activités à l’extérieur de l’UE. À cet égard, le soutien à l’Ukraine est évidemment une priorité absolue, tout comme la réussite du processus d’élargissement et la garantie de la stabilité et de la prospérité dans les pays de notre voisinage, ou encore la mise en œuvre de la stratégie européenne « Global Gateway » à l’extérieur de l’UE.

Désormais, les nouvelles initiatives que nous mettons sur la table – à savoir le programme consacré à l’eau, l’efficacité énergétique des PME, la contribution à l’union des marchés des capitaux, les investissements dans l’action pour le climat, la transition numérique et les nouvelles technologies, le programme FASTER –, toutes ces nouvelles initiatives qui nous occuperont dans les semaines et les mois à venir feront l’objet d’un suivi régulier lors des réunions du Conseil des gouverneurs ainsi que lors des réunions Ecofin.

Le dernier point que nous avons évoqué porte sur la manière de déployer tout le potentiel du Groupe BEI, d’optimiser l’impact de notre capital, tout en préservant, bien entendu, la note AAA de la BEI qui nous permet d’accorder des financements assortis de bonnes conditions financières, d’alléger les formalités administratives, d’accroître l’efficacité du Groupe BEI et de mobiliser des investissements privés. En résumé, tels ont été les échanges très constructifs et très fructueux que j’ai eus avec les ministres des finances. Nous ferons régulièrement le point sur l’état d’avancement de cette approche stratégique.

L’Europe a démontré à maintes reprises sa capacité à s’adapter à de nouvelles situations tout en préservant ses valeurs fondamentales et en travaillant de concert, avec une clarté et une stratégie bien définie. Nous veillerons à ce que le Groupe BEI non seulement soit un acteur majeur, mais également un contributeur décisif qui aide l’Europe à relever les nombreux défis auxquels elle fait face et à faire entendre sa voix dans le monde, compte tenu de la situation géopolitique actuelle.