Lors de sa réunion tenue à Luxembourg le 14 juin, le Conseil des gouverneurs de la BEI a tracé les perspectives d'action de l'institution pour renforcer sa capacité à soutenir les objectifs de l'Union européenne et, en particulier, répondre aux nouvelles responsabilités dont la Banque a été investie par le Conseil européen de Cologne (3-4 juin 1999).

A l'issue de cette réunion, Sir Brian UNWIN, Président de la BEI et de son Conseil d'administration qui présentait aux Gouverneurs son dernier rapport d'activité au terme de son mandat, a notamment déclaré "Les États membres ont félicité la BEI pour la diversité et le volume, encore jamais atteints, des activités qu'elle a menées l'année dernière à l'appui de l'Union économique et monétaire et de l'élargissement futur de l'Union. Dans le cadre de ses efforts en faveur de la croissance et de l'emploi au sein de l'UE, la BEI constitue maintenant l'un des plus importants pourvoyeurs de fonds pour le capital-risque en Europe et elle développe de plus en plus ses activités dans les secteurs du capital humain que sont la santé et l'éducation. Comme il a été spécifiquement demandé à la Banque lors du récent Conseil européen de Cologne, nous allons maintenant intensifier ces activités.

Nous avons également poursuivi avec succès notre stratégie volontariste d'emprunt en euros. La Banque tire maintenant parti de sa position de plus grand emprunteur international non souverain pour créer un grand marché diversifié pour la nouvelle monnaie au travers de son programme d'émission d'obligations de référence pour la zone euro.

Étant la plus importante source de financements à long terme en Europe centrale et orientale, la BEI demeure engagée en faveur du renforcement du développement des pays candidats. Les gouverneurs se sont félicités particulièrement du rôle crucial que la Banque va jouer dans le cadre des immenses efforts qui devront être déployés pour la reconstruction des Balkans, et de la mise en place du groupe de travail spécial de la BEI pour les Balkans.

Les points principaux des délibérations des Gouverneurs peuvent être ainsi résumés:

1. Action spéciale en faveur de l'emploi

Le Conseil des gouverneurs a pris note avec satisfaction des résultats très rapides atteints par la Banque pour soutenir la croissance et l'emploi dans l'Union par son Programme spécial d'action Amsterdam (PASA), opérationnel depuis octobre 1997 pour une durée de trois années. En dix-huit mois, le PASA s'est concrétisé par l'engagement de plus de 8,8près de 9 milliards d'euros de prêts dans les domaines de l'éducation et de la santé (4 milliards pour 28 projets ou programmes), du renouvellement urbain (4,2 milliards pour 27 projets ou programmes) et du capital-risque pour les PME innovantes (660 millions pour 26 opérations).

Capital-risque pour les PME

Afin d'approfondir et de pérenniser sur les quatre années à venir l'action entreprise en faveur du renforcement des capitaux propres des PME innovantes et de l'élargir à d'autres catégories de PME créatrices d'emploi, la Banque a décidé :

  • le doublement du Mécanisme européen pour les technologies (MET) géré par Fonds européen d'investissement (FEI) dont la dotation financée par la BEI passe de 125  à 250 millions d'euros.
  • le doublement de la réserve constituée pour couvrir le risque lié à ces opérations en capital-risque qui passe ainsi de 500 millions à 1 milliard d'euros prélevés par recours aux résultats de gestion de la BEI.
  • le principe de l'affectation ultérieure à cette réserve d'un montant supplémentaire de 1 milliard d'euros pour les exercices 2000-2003.

Éducation, santé et renouvellement urbain

La croissance rapide des financements de la Banque dans ces nouveaux secteurs (8,2 milliards d'euros engagés en 18 mois) ont conduit les Gouverneurs à souhaiter que ces secteurs fassent désormais partie intégrante sans limitation dans le temps des domaines d'intervention de la BEI.

La décision du PASA de 1997 limitait en effet l'éligibilité de ces secteurs aux financements de la Banque à une période de 3 années et à leur localisation prioritaire en zone de développement régional.

2. Réseaux trans-européens et protection de l'environnement

Les Gouverneurs ont noté que, dans la ligne de leurs décisions sur le PASA en 1997 et des conclusions du Conseil européen de Cologne, les approbations dans ces secteurs sont en augmentation annuelle de plus de 2 milliards par rapport à la moyenne des années 1995-1996.

Les Gouverneurs ont également noté les efforts de la Banque pour conforter des RTE réalisés en partenariats public-privé (PPP), dont les exemples les plus significatifs sont le Pont sur le Tage et le lien fixe sur le détroit de l'Öresund, la liaison ferroviaire à grande vitesse Londres-Tunnel sous la Manche (CTRL), l'aéroport d'Athènes-Spata, des autoroutes britanniques (DBFO Roads) et les tunnels routiers de Wartnow à Rostock et sous l'Elbe à Hambourg. Les Gouverneurs ont invité la Banque a poursuivre cette action en tirant pleinement profit des possibilités de son « Guichet RTE » établi en 1994, pour offrir des conditions individualisées à ce type de projets en termes de montage financiers spécifiques, de prises en charge d'études de faisabilité, de préfinancement, de période de différé de remboursement et de durée de prêt. A cet égard, ils ont pris note avec satisfaction de ce que la Banque est associée au montage financier de plusieurs PPP d'importance à venir, tels que certaines autoroutes portugaises et italiennes ou la section néerlandaise du TGV PBKAL.

S'agissant des RTE prioritaires, la Banque exprime sa disposition à participer, comme ce fut le cas en prélude au Conseil européen d'Essen (décembre 1994), à la définition d'une approche révisée des RTE prioritaires  de communication ou de transfert d'énergie. La BEI, qui est déjà la première source bancaire de financement des RTE et infrastructures connexes en Europe avec 56 presque 60 milliards d'euros engagés depuis 1993, est à même d'apporter à ses États membres comme aux institutions de l'Union sa vaste expérience de ce secteur en termes de d'appréciation des besoins économiques prioritaires et des capacités de financement du secteur bancaire, ou d'évaluation des définitions techniques.

Dans la ligne des conclusions du Conseil européen, les Gouverneurs ont également soutenu l'approfondissement des activités de la Banque au soutien des projets de RTE de haute technologie. La BEI qui, depuis 1994, a appuyé la modernisation et l'extension des services de télécommunication avancés et multimédia dans 13 pays de l'Union par des prêts approchant 10 milliards d'euros (soit 4,5% de l'investissement total dans ce secteur), dispose des qualifications et des moyens financiers à même d'appuyer des investissements relatifs à des « systèmes de transports intelligents » (ITS) tels que les systèmes de gestion électronique du trafic routier ou de gestion satellitaire de navigation, dont le projet « Galileo » qui fait déjà l'objet d'un groupe de travail réunissant le secteur privé, la Banque et la Commission.

Les Gouverneurs ont également relevé avec satisfaction la part substantielle des projets environnementaux dans le portefeuille de la Banque qui, avec plus de 30 milliards d'euros investis ces cinq dernières années, représente 28,5% des prêts. Dans ce contexte, les financements de la BEI pour des énergies renouvelables (890 millions d'euros pour des projets d'une valeur de 5,4 milliards intéressant la production de 6,4 MWe) seront amplifiés dans la perspective des engagements pris en vertu du Protocole de Kyoto sur le changement climatique (décembre 1997) ; ainsi, outre les énergies éolienne, géothermique ou hydroélectrique, d'autre segments du secteur tels que la biomasse, le charbon de bois, ou l'énergie solaire pourront bénéficier d'un soutien accru de la Banque.

3. Task-Force pour les Balkans

Le Conseil des gouverneurs a également souhaité que la Banque s'associe activement, en sa qualité d'institution financière de l'Union, à l'effort considérable qu'appelle la reconstruction des régions dévastées par le conflit des Balkans occidentaux.

Appelée à jouer un rôle déterminant dans la mise en œuvre des efforts de l'Union en faveur de la reconstruction de la région, la BEI sera partie prenante aux travaux de l'Agence mise en place par l'Union pour coordonner la gestion des aides communautaires pour les Balkans occidentaux. En outre, les Gouverneurs ont entériné la création par la Banque d'une "Task-Force Balkans". Composée d'une équipe expérimentée de financiers, d'économistes et d'ingénieurs, la Task-Force a pour mission d'identifier, en vue d'un financement de la BEI dans des délais réduits, les infrastructures devant être prioritairement reconstruites dans les secteurs des transports, des télécommunications, de l'énergie et de l'environnement; elle a également pour tâches d'assurer la coordination avec les institutions de l'Union et les autres institutions financières internationales, ainsi que de définir les instruments financiers les plus appropriés au soutien individualisé des projets.

Compte tenu de l'urgence et de l'ampleur des besoins de la région, la BEI est d'avis que son intervention devrait, dans une phase initiale, s'opérer essentiellement sous la forme de fonds concessionnels financés par recours, partiel ou total, à des ressources budgétaires de l'Union ou de ses pays membres. Un tel mécanisme permettrait la définition de conditions financières particulièrement avantageuses en termes de taux d'intérêt (de l'ordre de 1%), de durée très allongée d'amortissement (de 30 à 40 ans) et de période de différé de remboursement. La Banque, qui a géré de tels mécanismes par le passé en Afrique et en Méditerranée, a d'ailleurs entrepris des discussions approfondies avec l'Union et ses États membres pour parvenir à une conclusion rapide sur cet aspect de son intervention.

La BEI est active dans la région depuis la fin des années '70 avec quelque 600 millions d'euros de prêts accordés notamment pour des infrastructures. Elle dispose d'une expérience de terrain lui permettant d'apporter une contribution rapide dans l'évaluation et le soutien financier de projets nécessaires à la reprise de l'activité économique et à l'ancrage des pays concernés à l'Union dans un contexte de paix et de stabilité retrouvées. Sur base de cette expérience et des mandats en cours, la BEI opère déjà en Albanie, ARY de Macédoine et, depuis peu, pour la reconstruction de la Bosnie-Herzégovine. En outre, la BEI est partie prenante aux conférences des donateurs (G-24) et à la définition du Pacte de stabilité pour l'Europe du Sud-est conclu à Cologne le 10 juin dernier, en présence notamment du Président de la Banque.

4. Renforcement des actions de préparation à l'adhésion

Les Gouverneurs ont noté avec satisfaction l'important effort réalisé par la Banque en Europe centrale et orientale où ses prêts totalisent, depuis 1990, plus de 10 milliards d'euros engagés. Avec 2,4 milliards accordés en 1998 dans les pays d'Europe centrale et orientale et à Chypre, l'exercice écoulé se signale par une croissance sans précédent (+54%) due en particulier au lancement réussi de la Facilité pré-adhésion de la Banque, une ligne de prêts établie par la BEI sur ses ressources propres et à ses propres risques pour un montant de 3,5 milliards pour la période 31.01.1997-31.01.2000 et agissant en complément du mandat de 3,520 milliards expirant en l'an 2000.

Dans la ligne des conclusions du Conseil européen de Cologne, les Gouverneurs ont approuvé noté avec approbation le principe du renouvellement, à compter du 31.01.2000, de l'actuelle Facilité pré-adhésion pour la période 2000-2003 et au-delà, avec un montant qui serait substantiellement supérieur . Ils ont, en outre, considéré favorablement le principe d'une extension des activités du Fonds européen d'investissement (FEI) au soutien des projets d'infrastructures communautaires en Europe centrale et orientale, sous réserve des décisions à prendre par les organes statutaires du Fonds.

Enfin, les Gouverneurs ont confirmé leur entier soutien au renouvellement rapide des mandats de l'Union relatifs aux activités traditionnelles de la Banque dans les pays méditerranéens, d'Europe centrale et orientale, d'Amérique latine et d'Asie et en Afrique du Sud afin de préserver la continuité des opérations de la BEI en appui aux politiques communautaires d'aide et de coopération. Ces mandats devraient porter sur un total de 9,475 milliards d'euros pour la période janvier 2000-juillet 2003, dont 4,725 milliards pour les pays d'Europe centrale et orientale.

5. Contribution au marché de l'euro

Les Gouverneurs ont estimé très positif du rôle joué par la Banque sur les marchés des capitaux pour favoriser l'introduction réussie de l'euro. Avec 30 milliards empruntés en 1998, dont plus de la moitié sous forme d'émissions libellées en euros ou euro-confluentes, la Banque a mené une action déterminante pour l'ouverture et la diversification du marché de l'euro et contribué ainsi à la création d'une importante « masse critique » d'instruments libellés dans la nouvelle monnaie. En outre, la BEI a, dès mars 1999, mis en place un mécanisme inédit d'émission d'obligations de référence en euros - le « Euro Area Reference Note » ou EARN - assurant aux investisseurs liquidité, transparence et régularité.

6. Comptes et Bilan

Sur rapport du Comité de vérification de la Banque, le Conseil des gouverneurs a également approuvé les comptes de la Banque au 31.12.1998. Avec un total de 176,4 milliards d'euros, le bilan de la BEI renseigne une augmentation nette de 12,3% à la fin de l'année 1998 ; l'encours des emprunts s'élève à 123,8 milliards et celui des prêts à 155,6 milliards. Ces données sont à placer en relation avec la décision des Gouverneurs, du 5 juin 1998 avec effet au 1er janvier 1999, de porter le capital souscrit de la BEI de 62 à 100 milliards d'euros, élevant l'encours maximum statutaire des prêts et garanties de la Banque à 250 milliards.

La BEI a été créée en 1958 pour financer des investissements qui favorisent les objectifs de l'Union européenne et, notamment, le développement régional, les réseaux trans-européens des transports, des télécommunications et de l'énergie, la compétitivité et l'intégration de l'industrie, les PME, la protection de l'environnement et la sécurité énergétique. Elle intervient également à l'extérieur de l'Union dans le cadre des politiques communautaires d'aide et de coopération dont bénéficient plus de 120 pays dans le monde. La BEI, dont les actionnaires sont les États membres de l'Union, collecte ses ressources sur les marchés des capitaux (en émettant des obligations notées « AAA »). Le Conseil des gouverneurs, organe suprême de décision de la Banque, est composé d'un ministre par État membre, en général le ministre des Finances ou du Trésor.Le Fonds européen d'investissement (FEI) est un partenariat public-privé créé en 1994 par la BEI, la Communauté européenne et des institutions financières publiques et privées de l'ensemble des 15 pays de l'Union. Les réseaux trans-européens et les petites et moyennes entreprises (PME) sont les deux domaines dans lesquels le FEI accorde des garanties de crédit et participe au renforcement de la solvabilité d'entités souhaitant financer leurs opérations par l'emprunt. Créé pour jouer un rôle de catalyseur, le FEI a pour mission de faciliter la participation de capitaux privés à des projets de RTE et l'accès des PME à des financements par l'emprunt. Il participe en outre, en tant qu'investisseur gérant des ressources de la BEI ou du budget communautaire, à des financements de capital-risque.