Les machines numériques de renforcement musculaire, les logiciels et les applications de pointe d’eGym font sortir les salles de sport des années 70 et les propulsent vers le futur

Ça avait l’air compliqué et sale. Il y avait des odeurs bizarres et ça ne semblait pas très amusant.

Telles furent les impressions de Philipp Roesch-Schlanderer après sa première visite dans une salle de sport il y a huit ans. À l’époque, il étudiait à l’université Columbia de New York dans le cadre d’un programme d’échange et souffrait d’un léger surpoids. Il souhaitait passer quelques heures par semaine à transpirer sur un vélo d’exercice ou sur un tapis de course, ou encore à soulever de la fonte.

« Je me suis retrouvé dans une salle de sport vieillotte et malodorante installée dans une cave », explique-t-il. « Les équipements étaient dépassés et poussiéreux. Je ne savais pas par où commencer, comment régler les machines, ni combien de temps m’entraîner. Je me suis demandé pourquoi, bien que le monde ait tellement été transformé par les technologies, les salles de sport étaient restées bloquées à l’époque d’Arnold Schwarzenegger. »

Des machines et des applications

Cette mauvaise expérience a incité Philipp Roesch-Schlanderer, de retour en Allemagne, à créer eGym, une société qui allie des applications et des logiciels à des machines de renforcement musculaire de pointe qui se connectent au nuage et rendent ainsi les séances d’entraînement interactives et amusantes. eGym, qui a été lancée en 2013, propose 18 machines électroniques qui s’ajustent automatiquement aux objectifs et aux capacités de chacun. Aujourd'hui, plus de 1 000 salles de sport en Europe et aux États-Unis utilisent la technologie eGym.

>@eGym
© eGym

Philipp Roesch-Schlanderer, à gauche, et Florian Sauter ont créé eGym car, à leurs yeux, les salles de sport s’étaient laissé distancer par l’évolution des technologies actuelles.

eGym souhaite persuader le commun des mortels de faire de l’exercice régulièrement.

« La société ne cible pas les personnes très athlétiques », déclare Antonello Locci, économiste en chef à la Banque européenne d'investissement. « Elle s’intéresse à un groupe plus large composé de personnes qui ont besoin de motivation pour atteindre leurs objectifs d’entraînement et qui sont réceptives à l’innovation. »

En décembre, la BEI et eGym ont signé un accord portant sur un prêt de 25 millions d’EUR destiné à aider la société à mettre au point des produits plus innovants, à étendre ses travaux de recherche, à améliorer son usine de production et à attirer des clients. Ce financement bénéficie de la garantie du Fonds européen pour les investissements stratégiques, un programme de l’UE qui cible les entreprises innovantes et lutte contre la faiblesse des investissements en Europe. Le FEIS aide les entreprises qui sont considérées à risque parce que les technologies qu’elles utilisent ont souvent peu fait leurs preuves. De nombreuses banques commerciales refusent d’offrir aux entreprises telles qu’eGym le type de capital de croissance dont elles ont besoin pour réussir.

La forme physique : un marché à muscler

Cristian Antoci, le chargé d’investissement de la BEI responsable de l’opération avec eGym, est optimiste quant à l’avenir de l’entreprise, malgré la concurrence qui fait rage dans le secteur de la forme physique. eGym, poursuit-il, prouve que de nouveaux débouchés existent dans le domaine.

« Quasiment tout le monde a vécu ça : vous allez à la salle de sport et vous vous sentez tout intimidé car vous êtes un des seuls à ne pas avoir des muscles saillants », explique Cristian Antoci. « Vous voilà découragé et vous n’y retournez jamais. Avec les machines, les applis et les logiciels d’eGym, c’est différent : vous vous amusez ! Vous passez un badge sur la machine et elle vous guide tout au long de votre entraînement. Ensuite, vous recevez tous vos résultats et votre bilan en temps réel. C’est addictif. »

Voici les principales offres d’eGym :

  • 18 machines électriques de renforcement musculaire pour tous les grands groupes de muscles ;
  • des logiciels d’exercice qui créent automatiquement des programmes d’entraînement en fonction des objectifs et de la condition physique de l’utilisateur ;
  • des applis pour les coaches et les adhérents des salles de sport qui leur permettent de communiquer entre eux avec plus d’efficacité ;
  • eGym ONE, une plateforme ouverte fondée sur l’informatique en nuage qui permet de connecter les appareils de suivi des performances d’autres fabricants au système d’entraînement d’eGym.

Restez connecté où que vous soyez

« Ce qu’il y a de réellement novateur, c’est que toutes les composantes d’eGym sont connectées où que vous vous entraîniez », précise Philipp Roesch-Schlanderer. « Les machines vous reconnaissent et s’ajustent immédiatement en fonction de vos tests de puissance antérieurs, de vos objectifs musculaires, de votre perte de poids, etc. »

La résistance ne naît pas de poids physiques, mais des moteurs électriques des machines. Les écrans des machines permettent aux utilisateurs d’afficher l’historique de leurs performances, de planifier leurs séances, de se connecter avec des amis et de synchroniser leurs téléphones portables ou leurs objets connectés tels que Fitbit et Jawbone. Grâce à l’appli d’eGym, les utilisateurs cumulent des points en fonction de la quantité d’exercice qu’ils font à la salle de sport ou en dehors.

Faire de l’exercice tout en jouant

Pour faire en sorte que ses utilisateurs n’abandonnent pas, eGym tire parti d’un concept connu sous le nom de « ludification », terme qui recouvre l’utilisation de mécanismes ludiques dans des domaines autres que le jeu. La ludification intègre des éléments du jeu, tels que le gain de points, la compétition et des règles du jeu, afin d’encourager l’utilisation d'un produit.

« Avant eGym, aller à la salle de sport revenait à jouer au foot sans compter les buts », s’amuse Philipp Roesch-Schlanderer. « Quoi de plus ennuyeux ? »

Avec eGym, une courbe d’entraînement numérique s’affiche sur les écrans des machines. Les utilisateurs doivent se maintenir dans les limites de cette courbe pendant leurs séances d’entraînement. Une balle qui se déplace dans cette courbe avale des pastilles et permet aux utilisateurs de cumuler des points, un peu comme dans Pac-Man, le grand classique des jeux vidéo. Plus vous cumulez de points, plus la balle grandit et brille.

>@eGym
© eGym

Sur les écrans des machines d’eGym, une balle décrit une courbe et avale des pastilles, comme dans le jeu Pac-Man.

Ça peut paraître ridicule, mais...

La ludification semble absurde, mais ça marche, nous expliquent Philipp Roesch-Schlanderer et les experts de la BEI. De telles tactiques de motivation sont nécessaires dans le domaine du sport en salle.

« Les salles de sport ont de grandes difficultés à fidéliser leurs adhérents », poursuit Cristian Antoci. « Nombreux sont ceux qui y vont et renoncent après quelques séances. »

Le taux d’abandon dans le secteur, qui correspond au nombre de personnes qui cessent de fréquenter leur salle de sport après leur inscription, est compris entre 30 et 40 %.

« La désertion des adhérents constitue l’une des plus grandes difficultés pour les salles de sport », selon Philipp Roesch-Schlanderer. « Si les clients n’atteignent pas leurs objectifs d’entraînement ou perdent leur motivation, ils abandonnent. Dès lors, les exploitants des salles de sport ont grand-peine à atteindre une croissance durable. »

eGym met en pratique les idées qu’elle défend en matière de décontraction vis-à-vis de la forme physique. Ses quelque 300 employés sont certes encouragés à mener une vie saine, mais l’entreprise déclare qu’il lui importe plus qu’ils soient heureux. Elle offre des fruits gratuits à son personnel basé à Munich et tient la comptabilité du nombre de bananes qu’il mange (environ 160 par semaine), mais elle distribue aussi des bières et du café gratuits, fait des crêpes au sirop pour tout le monde et n’impose aucun code vestimentaire.

« Ne le répétez pas, mais je stocke secrètement du chocolat et des biscuits dans un tiroir de mon bureau », nous confie Philipp Roesch-Schlanderer. « J’aime à dire : mangez autant de chocolat que vous le souhaitez, puis commencez à utiliser notre programme eGym ! »